La Ballade des pendus
Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres ayez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop nous avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenus cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Si frères nous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, quoique nous fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis ;
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernal foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
Puis ça, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dès à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie
Garde qu’Enfer n’ait sur nous seigneurie :
A lui n’ayons que faire ni que soudre.
Homme, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
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- La Ballade des pendus (sur Wikipédia) Le titre ; analyse fond / forme ; transcription en français moderne
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