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j'avais vingt ans,
j'étais naïf,
c'était le temps
pour les naïfs
d'aimer les feuilles
et puis les fleurs,
et sur des feuilles
faire des fleurs,
et souhaiter
avoir vingt ans,
pour chaque été,
avoir vingt ans...

Car avant tout j'aimais ses yeux,
Il m'arrivait de me noyer
Au fond de rien, pour tout loyer,
J'avais vendu mes yeux.

Car avant tout j'aimais ses lèvres,
Tant que parfois j'aimais me pendre
A une branche et puis attendre
Les mots couler des lèvres...

Car avant tout, j'aimais sa voix
Qui chantait faux mais peu importe,
J'allais dormir devant sa porte
Pour écouter sa voix.

Car avant tout, j'aimais mon coeur
Puisque mon coeur croyait aimer ;
En souvenir, j'aimais semer
Les horreurs de mon coeur.

j'avais vingt ans,
j'étais idiot,
j'aimais autant
être un idiot
qu'aimer Musset
et Lamartine
(qu'aimaient Musset
et Lamartine) ;
je baisais mal,
j'avais vingt ans,
j'étais très sâle,
comme à vingt ans,
on ne sait trop
à quoi penser,
on essaie trop
de trop penser ;
j'avais vingt ans
et pour penser,
j'aimais autant
ne pas penser
à Lamartine
et à Musset,
et leurs tartines
de lourds versets.

Car avant tout j'aimais son cul,
Mais bon, je le criais moins fort,
Ca me chauffait comme un raifort
D'imaginer son cul.

Car avant tout j'admirais l'art
Qu'elle avait de s'émietter pour
L'art ; c'était laid ; mais pour l'amour,
On se fout bien de l'art ;

Car après tout, je n'aimais rien
D'autre que cette pauvre conne,
Qu'on suit comme un chat qui ronronne,
Qui ne court après rien.

Car avant tout j'aimais bien croire
A sa gaité, j'avais envie
Qu'elle vienne sauver ma vie...
Ah ! que n'ai-je pu croire...

j'avais vingt ans,
j'étais idiot...

Car après tout, qu'y pouvait-elle ?
J'avais vingt ans et elle aussi
Etions idiots et d'idiotie
J'aimais... qu'y pouvait-elle ?

j'avais vingt ans
et c'est bien tout
ce que le temps
en garde, tout
ce qu'on en dit,
ce qu'il en reste,
tout engourdi
dans de vieux restes,
c'était mon coeur
qui tremblait tant,
j'avais vingt ans
et plus de coeur
pour la rancoeur,
j'avais vingt ans...