liminaire lyrique
Au petit faucon.
je ne suis pas ton frère
nos arbres généalogiques se ramifient
au cœur de temps et de lieux où les racines
ne pouvaient se nouer
je ne suis pas ton frère
d'ailleurs les géniteurs sont trop nombreux pour
un frère et sa soeur
vraiment
malgré l'imprévu de quelques marelles
je ne suis pas ton frère
pas de parents proches ou éloignés
ô les éloignés
je leur ai certes adressé quelques signes fraternels
mais ne compte pas en profiter
tu ne vis pas dans le lointain
je ne suis pas ton frère
ni le grand ni le petit
ni ton sang ni ta chair
juste un peu de ton regard où j'ai parfois
senti ce qu'exister veut dire
quand il le voulait bien
quand il le fallait bien
dieu ce que l'impersonnel est volubile
dieu ce que dieu est utile
pour trouver la colère
l'état d'urgence
c'est-à-dire un éphémère soi-même
lequel n'est pas ton frère
tu le sais nous ne nous rappelons pas les anniversaires
ni les sapins aux cadeaux clignotants
ni simplement la tiédeur de ces dimanches
dans le réveil indulgent des parents
et l'odeur d'un café sans rancune
tu vois
je ne suis pas ton frère
tu ne peux te rappeler
je volais tes poupées
les cachais dans les cavernes
dans les ombres humides
écoulements lointains
souterrains
tu pleurais rageais me dénonçais
tu éparpillais avec tes copines
des rires aux longs dards
nos disputes tiquaient des billes sans gagnant
je te défendais contre les tireurs de nattes
les souffleurs de jupes
tu me défendais contre mes chagrins
quand je n'avais plus de munitions
je me moquais de tes fiancés
tu me taquinais les amoureuses
tu me giflais je te consolais
tu pleurais je te giflais
nous comparions sur nos cuisses
la rancune rose des ronces
tu étais de naissance
exclue de ma bande
j'étais banni de tes grâces dans les miroirs
partager les secrets
c'était les déchirer
ô conspirations contre les GRANDS
la complicité
la paix furtive non
tu ne peux te rappeler tout ça
car je ne suis pas ton frère
ensemble dans la pluie
de notre rendez-vous comme d'habitude
nous parlons d'autre chose
nous sourions autre part
j'ignore quelle sorte d'amour nous vivons encore
qui impose la fatalité de rester
fils unique
de ce temps lentement
déchiré tout autour
par la durée tremblante
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