La salle dans laquelle je me trouve est entièrement blanche. Des néons accrochés au plafond éclairent violemment la scène de leur lumière artificielle. Des gens vêtus de blouses immaculées s'affairent autour de moi. Je suis allongé sur une civière, et le médecin légiste s'évertue à me disséquer afin trouver des indices lui permettant de déterminer l'origine de ma mort. Enfin, en plus des traces ensanglantées qui recouvrent entièrement mon corps. Mes pensées dérivent. Je revois alors la découverte de mon corps.
Aucun réverbère n'éclaire cette rue et seules brillent les lampes torches de la police. L'odeur de sang se mêle aux relents d'urines tandis que l'inspecteur chargé d'élucider le meurtre relève tout élément susceptible de le conduire à l'assassin. Mon corps va bientôt être emmené, afin de procéder à l'inévitable autopsie. Cela fait quatre heures que mon corps gît ici, vide de vie.
Je meurs. La souffrance diminue progressivement dans mon corps et ma vue se brouille. Une obscurité salvatrice envahit mon esprit. La mort m'ouvre enfin sa lumineuse porte. Avant de m'y engager, je reviens encore une fois sur les derniers instants de ma vie.
Je me vide progressivement de mon sang, qui forme à présent une flaque sombre et luisante dans laquelle mon corps reste allongé, incapable d'esquisser le moindre mouvement. Alors que j'arrive au paroxysme de ma souffrance, je me sens défaillir. J'ai depuis longtemps perdu le compte des blessures que je viens de subir, et rares sont les centimètres carré de ma peau ayant été épargnés. Comment donc en suis-je arrivé là ?
J'ouvre les yeux. Ma tête me fait mal. Un martellement sourd et régulier emplit mon crâne. Que s'est-il passé ? Une silhouette encore floue se penche vers moi. Qui est-ce ? Je plisse les yeux et découvre avec étonnement un large sourire hilare au-dessus duquel brillent des yeux pétillants de joie. Cet homme, je ne l'ai jamais vu de ma vie. J'ai beau chercher dans les moindres recoins de ce qu'il me reste d'esprit ? essayez donc de réfléchir lorsque vous avez subit un coup sur le crâne ? il n'y figure nulle part. La silhouette sort un cutter de sa poche, qu'il caresse un moment avec affection, avant de m'entailler négligemment la joue droite. Ce geste, à voir le visage de l'homme, me paraît tellement anodin et naturel que j'en reste sans voix. Une seconde ligne de feu apparaît alors sur ma joue gauche. Alors que le sang commence à perler sur mes joues, le cutter se plante derechef dans ma main droite. C'est à ce moment là que la douleur m'envahit, telle une vague ardente. Alors que l'arme reste plantée dans ma main droite, un second cutter vient me perforer la gauche, pour y rester enfoncé. Des larmes commencent à couler sur mon visage. Pourquoi donc ne puis-je pas bouger ? M'aura-t-il injecté quelque produit paralysant pendant que j'étais évanoui ? C'est l'explication la plus plausible. Un cran d'arrêt étincelle alors devant mon visage, interrompant mes pensées, et vient délicatement se placer entre mes lèvres, pour alors remonter, dans une atroce lenteur, vers mon oreille gauche. Le couteau quitte alors mon visage pour taillader, tout aussi méticuleusement, mon torse.
Je me rappelle être sorti de la salle de fête dans les environ de trois heures. Légèrement ivre, je me suis engagé, d'un pas qui se voulait assuré, dans une sombre ruelle afin d'arriver au plus vite chez moi. Alors que j'arrivais aux deux tiers dudit raccourcis, un bruit de pas me fit tourner la tête. C'est du moins ce que j'aurais fait si je n'avais pas reçu, à ce moment précis, un coup sur le haut de la nuque, me faisant perdre conscience. La soirée avait pourtant si bien commencé.
Je danse. Cela doit faire une à deux heures que nous virevoltons au centre de la pièce, évoluant au gré de la musique, comme en transe, bercés par notre bonheur et quelques verres de bordeaux. Elle s'appelle Emily et elle est tout pour moi. Cette nuit, je la demande en mariage. En mariage... Je trébuche, brisant cet instant parfait ? comment ais-je pu oublier l'alliance ? ? Je regarde ma montre : deux heures quarante trois, si j'en crois les aiguilles. Ma demande était prévue aux alentours de trois heures. Je demande à ma compagne de m'accorder un peu de temps et je pars chercher la bague se trouvant dans le tiroir de ma table de chevet, située à un kilomètre et sept cent cinquante mètres d'ici. Je crois qu'elle n'est pas au courant pour la demande.
Il est six heures et dix huit minutes et je suis heureux. Emily est enceinte. Je suppose que la joie que je lis dans ses yeux alors qu'elle m'annonce la nouvelle reflète merveilleusement ce que je ressens. Je suis amoureux, et je vais être père.
Ma montre à quartz m'indique qu'il est une heure cinquante trois du matin. Je me lève et me dirige vers ma chaine hi-fi. J'y insère un CD et c'est alors que s'élève dans les airs la perfection. Le Requiem de Mozart est sûrement la plus belle chose que l'on puisse entendre.
Je me fais alors un fixe d'héroïne. Je ferme les yeux un instant et me sent partir avec la musique. Dieu que c'est bon. Salopard d'Amadeus !
L'extase que m'offre ce mariage du Requiem et de la drogue se dissipe en un clin d'œil. Un clin d'œil d'environ une demi-heure. A présent, rien de tel qu'un petit tour au clair de lune afin de finir cette putain de journée en beauté. Je m'apprête à partir lorsqu'un objet posé sur mon bureau attire mon attention. Je m'en saisi, le regarde et, après avoir tendrement joué avec la lame rétractable, le glisse dans ma poche.
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