Naissance d'un poëme
Ce matin, au réveil, j’étais pris de nausées.
Dans mon demi-sommeil, ma muse ou un esprit,
Me sentant affaibli, lâchement, me surprit,
Envahissant, sans bruit, ma pensée reposée.
Elle y laissa un oeuf de poëme, une rime,
Qui nichera au chaud, trois semaines, sept jours,
Rachitique, il ferait un plus long séjour.
Avorter d’un poëme-embryon est un crime.
Cette fois, je ne serai pas pris par surprise.
Je sais comment faire. Jusqu’à l’accouchement,
Je dois choisir les mots, par des attouchements,
Polir chaque expression pour qu’elle soit comprise.
Baignant dans l’océan des mots à la dérive,
L’embryon, peu à peu, se change en foetus.
Il faudra que je veille aux pieds et aux hiatus,
Aux vers, que je l’écrive et le réécrive.
Il grossit, il grossit, suçotant mes pensées,
Le glouton, qui a pris à présent des couleurs.
Ce qu’il me fait subir comme atroces douleurs!
Les mères, à ce qu’on dit, en sont récompensées.
Je n’aurai pas besoin de deux échographies,
Pour savoir s’il est temps, enfin, de l’accoucher.
Je l’écrirai cent fois, du lever au coucher,
Jusqu’à ne plus savoir si c’est bien ma graphie.
Je perds déjà les eaux à cette ultime strophe.
Et je prends peur. Comment sera-t-il accueilli?
Des bravos, des sifflets? Raillé de gribouillis?
Voici le nouveau-né, là, qui vous apostrophe.
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