Ses pensées dérivent, suivant les longues plaintes d’un violon.
Le violon.
Le violon de sa femme.
Sa femme aujourd’hui morte, suite à un banal accident auquel il ne cesse de penser.
Un accident, survenu il y a deux ans de cela, dont il se sent encore coupable.
Un accident aussi tragique que les longs sanglots d’un violon.
Il l’observe. Le corps dénudé de la femme le laisse glacial. Ce corps, pourtant admirablement proportionné, n’est, à ses yeux, pas plus digne d’intérêt que la rouge couverture sur laquelle il repose.
Elle le défie du regard, glissant indécemment sa main entre ses cuisses entrouvertes, attendant qu’il se décide enfin à lui accorder un minimum d’attention. Sa langue glisse vulgairement sur ses lèvres pulpeuses.
Il se ressaisit. Il prend conscience des gestes de plus en plus équivoques de la femme. Il étudie son visage. Son visage. Non, il ne pourra pas supporter ce visage. Trop insipide. Il lui tend un masque vénitien, lui précisant qu’elle devra le porter. Si elle parait un instant surprise par une telle requête, elle obtempère sans rechigner.
Il admire alors la finesse du masque. Le masque de sa défunte femme. Ce masque en un sens plus précieux que sa pâle existence. Un vulgaire morceau de papier mâché, travaillé et peint avec talent.
Seule once de sensualité dans cette nuit de débauche.
Il s’approche de la prostituée et la pénètre. Cette nuit – comme tant de nuits passées ces deux dernières années – il ne fait pas l’amour. Cette nuit, l’esprit assailli par les chants déchirants d’un violon, il baise.
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