L'horizontale
L'horizontale
A l'ombre du cyprès, assise sur le banc,
Peu m'importe le glas qui sonne en ta mémoire.
C'est ta voix que j'entends, quand j'étais une enfant
Fillette admirative, et fervent auditoire!
Tu me semblais pareille à la reine des Dieux,
Moi, nièce de Junon, je n'étais pas peu fière!
Ta bouche maquillée, et l'ardeur de tes yeux
Me fascinaient autant que ta blonde crinière.
Ton rire était celui d'une colombe grasse,
Roucoulement osé promettant des ivresses
Dont je ne savais rien, ignorante bécasse,
Mais chaque homme alentour te traitait en comtesse.
Les femmes dans ton dos chuchotaient avec rage!
Tu riais dans ton coin, séduisant leur époux,
Qui pourtant, de l'amour, leur laissait l'apanage.
Tu ne demandais rien, sauf un bref rendez-vous.
Tu me parlais de luxe, opulence et éclat.
Mais jamais de passion, des sentiments intenses,
Sauf d'amour que l'on paye au bord du matelas.
Tu étais Liberté, à mes yeux d'innocence.
Tu avais tout compris de la vie et de l'homme,
Négocier cher ton corps n'était pas vil métier,
Tant qu'il restait quelqu'un pour croquer dans ta pomme,
Et jouer galamment à l'amant financier.
Sur ta tombe, une fleur, le cimetière est vide.
Personne n'est venu, et je comprends enfin...
Quand tu t'abandonnais aux bras d'hommes avides,
Tu étais Solitude en tes draps de satin.
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