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Textes Auteur(e)s zenobi
Textes hors-recueil
1. Animaleries
Par zenobi
comme le titre l'indique...

Animaleries


« Pourtant l’hippopotame est un bel animal » B. Dimey
« Je vais causer un tigre » J.-L. Borges





braille

la vie du crabe m’indiffère
le poisson a bien trop d’écailles
cette souffrance dite en braille
ce chagrin n’est pas mon affaire

**



les inquiets

Entre la biche et le lapin
l’angoisse est reine et le souci
je ne partage pas leur peine
quelle que soit mon empathie

**



la mouette

Alors que bat la houle
l’oiseau à coup de bec
s’en prend à une moule
que faisait-elle à sec ?

**










nous

L’homme, le loup, la biche et le lapin, qu’importe,
l’héroïsme et la peur ont les mêmes ressorts.
Pour qui sonne le glas, se referme la porte
quand la faucheuse est là et de ses dents nous mord.

Pas encore. Un instant. Une minute ou deux.
Brandir quelque drapeau, dérisoire oriflamme,
trouver un dernier mot pour habiller son âme,
se réchauffer encore auprès d’un sein, d’un feu.

Humide, l’œil. Les sphincters qui. Certains alors
ferment les yeux. Le cerf, les bois pris dans les ronces
ne pourra pas lutter. La douleur. Il renonce.
Un autre guette en vain une improbable aurore.

Le lapin n’en peut plus. Il essaye pourtant,
va, perdu, zigzagant, l’haleine du tueur
est déjà sur sa nuque. Et s’étire le temps
en cet ultime instant, ces dernières lueurs.

L’assassin sur la chaise embrasse sa maman.
Le gamin voit trop tard la moto qui surgit.
Le soldat sent son cœur entre ses mains rougies.
L’homme, le cerf, la biche en ce trop bref présent
unis.

**




je suis l’ange empereur à la queue longue et fine
mon bleu est un bonheur qu’en secret je peaufine


**



fourmi

carapace lisse et mate
ignorante de l’ivresse
la fourmi a trop de pattes
pour qu’on la croit poétesse
son énergie sent le stress
jamais elle ne m’épate

**
Perroquet



dans le lagon
bleu
j'ai pêché
un rêve qui
s'effilochait
son âme son
esprit s'en sont
allés légers
dans le sillage
d'un perroquet

de ce message
sans importance
la connivence
est le secret

de tout naufrage
commune danse
que berce le
chant des palmiers



**

eux

n’être le loup ni la murène
(la biche est au-delà de mes possibles)
Vomir les buses et les hyènes
(garder le colibri pour seule cible)
Le paresseux a des attraits
sa torpeur semble en mon pouvoir
Le ver de terre est bien trop laid
Vraiment pour y songer en un miroir

**



serinade

Est-il un son plus beau que l’eau à la fontaine
pour une âme sereine
- Que ne suis-je serin ?

**
la grenouille


Je suis cette grenouille
au bord de la fontaine.
Mes pensées sont labiles,
j’écoute les sons de l’eau, sereine,
ces clapotis. Mon œil globuleux
de Bouddha endormi
mate son territoire, sérieux.
Bien trop pour que je m’y
Intéresse vraiment


**



piquant

elle sautille
et se faufile
noire et poilue
c’est ta peau nue
qui l’émoustille

**






Fable


La basse cour et jusqu’au pigeonnier s’émeut :
ce trop vieux chien rampant n’était-il pas leur maître,
leur gardien qui, s’il envoyait les renards paître,
s’amusait à courser la poule, l’oie, l’émeu ?

L’une ou l’autre s’approche, agace de son bec
l’infirme qui se tait ; mais, prêtant quelques dons
à ses pattes griffues, s’inquiète : le félon
les aurait-il rognées ?- l’a-t-on sacré évêque ?

Telle croit reconnaître en son œil la malice,
enjoint de s’éloigner de ses vilains chicots.
Un poussin fort savant l’accuse d’anciens maux,
un autre encore appelle aux armes la milice…

Le chien n’aboie plus guère ou alors à regret,
d’un œil inanimé il quête le silence.
Il n’a pas de collier. Quelques miettes d’enfance
agitent son sommeil… Il voudrait bien crever.

**




fable : une cigale, une fourmi et une feuille morte


Une cigale aux premiers froids,
transie, tremblante et aux abois,
savourant à l’avance une place de choix,
convoitait un abri sous une feuille morte.

Quelle ne fut pas sa surprise
de trouver cette place prise
par une fourmi rouge à mine peu accorte,
égarée, elle aussi, seule, lasse et sans toit.

- Qui vous a donc ouvert l’entrée de ce logis ?
- Il y a place pour deux, parole d’animal !
Les deux bêtes étant de force égale,
le débat, fort courtois, se poursuivit
à coups de donc, à coups de si…

Sur ce, la nuit tomba, froidure s’installa.
Trop mince, leur abri ne les protégea pas.
D’un côté la fourmi, de l’autre la cigale,
flanc contre flanc, d’une rigidité létale.

Que l’on soir prévoyant ou qu’on ne le soit pas,
que tu sois borgne, gueux ou roi,
que tu aies pattes ou bien doigts,
quand même au bout du conte, arrive le trépas.

**









bèche improbable des abysses
bivalve aveugle des grands fonds

nous fait défaut le moindre pont
rien ne m’arrime à vous je glisse

et toi et moi nous regardons
et ce silence-là détisse
jusqu’au sourire de la métis
tous les deux tristes nous coulons

***




(Un homme passe, à moins qu’on ne l’imagine passant.)

B- Un loup ?
A- On en voit de plus en plus.
B- Ou un chacal ?
A- de ça aussi.
B- Oui.
A- Quand il y a des biches…
B- Il y a des loups.
A- Et quand il y a des loups.
B- Il y a des biches.
A- Parfois, je me demande même si les loups…
B- Ne sont pas les mâles des biches ?
A- Exactement !

**



(Un homme passe, à moins qu’on ne l’imagine passant…)

A- Une biche ?
B- Une biche ou un lapin ?
A- Une biche.
B- Un lapin.
A- Je dirais plutôt une biche.
B- Un lapin.
A- A cause de la légèreté du pas. De l’œil humide… précautionneux. Une biche, c’est quoi l’adjectif qui colle à la biche ? (mouvements du cou, de la tête…)
Effarouchée. Défiante, quoi, toujours prête à fuir. Inquiète.
B- Et le lapin, alors ? Je dis le lapin, je pourrais dire le lièvre, note bien.
Ce côté bondissant. Suspicieux. Prudent. Prudent jusqu’au bout des dents. (Il mime le lapin).
A- Je me demande…
B- Oui ?
A- Je me demande…
B- Oui.
A- Si le lapin n’est pas le mâle de la biche.
B- Je me demande…
A- Oui ?
B- Je me demande si on ne serait pas déjà rencontrés, vous et moi ?
A- Vous et moi ?
B- Nous.
A- Ho là ! Attendez ! Pas si vite ! Je, d’accord. Vous, je vous l’accorde. On, pourquoi pas. Mais « nous » ! Vous allez un peu vite.
B- C’est toujours là que le bât blesse… Quand il s’agit de faire du nous… Reconnaître du moi dans l’autre, voire même, de l’autre dans le moi… Mais faire du nous avec du je et du vous… ça !

**

A- Homo hominem…
B- Lupus est !
A- Tacite ?
B- Ta gueule.

***


flore


Je suis un arbrisseau sous un ciel sans rayure.
A quoi qu’i pense ? Eh bin ! Pas tout à fait à rin.
Il voudrait que la sève à tout jamais perdure
et que sa lutte soit une lutte sans fin.

Mon pauvre petit arbrisseau, tout maigre et sot,
sous le soleil de plomb, tendant tes petits bras,
tes feuilles aiguisées, vers le ciel et vers l’eau…
Oh ! Ce savoir, si proche, émeut en moi un raz-

de-marée fraternel. Ridicule arbrisseau,
comme moi tu survis, enfantes des chimères…
Lequel des deux, dis-moi, est-il bien le plus sot ?
Bon. La prochaine fois, je rêverai la mer.

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