Le cadavre se trouve devant moi, allongé. Je le photographie sous tous les angles, pour que la photo qui paraitra dans le journal de demain soit parfaite. A ma droite, la police essaie de calmer les passants, attirés par l'odeur du meurtre. Ils leur répètent inlassablement de les laisser faire leur travail. Et, bafouant leur statut de représentants de l'ordre, mentent sans sourciller, affirmant qu'ils mettront tout en œuvre pour trouver le coupable.
Le sang a cessé de couler.
Les flashes de mon appareil continuent de pleuvoir sur le corps inanimé. L'article sera à la hauteur de l'évènement. Cela fait le troisième cadavre trouvé en une semaine de temps. Une femme réussit à forcer le barrage des flics. Elle s'avance jusqu'au cadavre. Son visage se décompose, font en larme, se détourne. Je la photographie.
Ses larmes continuent de couler.
Elle semble avoir le même âge que le mort. Probablement sa femme. Visiblement, elle l'aimait. Une mouche vient se poser sur la paupière droite du défunt. Elle s'y déplace un instant et s'envole à nouveau. Une goutte de sueur perle sur le front d'un des policiers. Il doit avoir trop chaud, fringué comme il est. La goutte est suivie d'une seconde.
Une troisième se met à couler.
Un moineau de met à siffloter. Je range mon appareil. La foule continue à s'agiter. Cela ne fait aucun doute. Un cadavre, une veuve éplorée. L'article sera réussit. Je regarde l'heure à ma montre. Quinze heures trente-sept. Il était prévu que je rejoigne mes amis à seize heure. Je traverse la Seine.
Le fleuve coule lentement.
Mes amis parlent de tout et de rien. La serveuse porte un haut noir. Joli décolleté. Je n'arrive pas à participer à la conversation. Je suis imperméable à leur enthousiasme. Je m'ennuie profondément.
Les heures s'écoulent.
Je rentre chez moi. Nicolas est en train de lire, allongé. Je le rejoins. Je pose mes lèvres sur sa nuque, mes mains dans son entrejambe.
Il se coule en moi.
J'essaie de dormir. Mes pensées m'en empêchent. Un rayon de lune se glisse entre les rideaux. Un moustique vole dans un coin de la pièce. Sifflement aigu. J'observe mes sentiments, éparpillés par terre, au milieu de mes vêtements. Cela fait bien trop d'années que je les ai abandonnés. Que je les ai laissés là, sur la moquette de cette chambre. Qu'ils ne me servent plus.
Qu'ils se sont écoulés hors de moi.
Je me tourne sur le coté. A coté de mon réveil, mon appareil photo me fixe, imperturbable. Glaciale fenêtre de mon inhumanité. Demain, il m'accompagnera au Louvre, pour le prochain article auquel je devrai participer. Il est deux heures douze du matin, si j'en crois l'affichage digital du réveil.
commentaire
pour le journaliste un excellent article
pour la victine une fin moins sympatique
cela pourrait etre le debut d'un scenario
comme titre je propose
mourir en harmonie