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"Poésie comme une jolie fille quand elle se sent suivie
Par quelque louche individu"
EUGENE DE BORIE
1
on peut jouer les traces végétales
le front confiant sa fièvre aux vitres
on peut vagabonder les doigts au fond des oiseaux morts
quelque fable
quelque chair
éparpille ses parfums
si la fille féline en très précieux
récitant ses diables et ses jupons
combien de miroirs a-t-elle vomis
combien de magiciens pourrissent
dans l'étonnement du regard
on pistera son mirage
ses vitrines
ses hanches
font mine de présage
la nuit blanche
lui va comme un bas
2
ses années jouent dans les pinèdes
se frottent aux prairies balançoires
temps
longue paille d'entre-lèvres
que les étés mâchouillent
elle souffrait parfois d'un rien
un froissement d'absence
un soupçon en bataille
sa vengeance errait dans les gosiers marécageux
bredouillant de mémoire ses émouvants pervers
il y avait toujours un maléfice à embrumer
une dernière fenêtre allumée
flottant son mystère à l'infini des murs
on aime que ses lèvres aient parfois pressenti
le goût de ce grand frère
colin-maillard ébouriffé
qui de ses doigts aveugles
accordera tous les filons
3
plus tard
elle glisse de néons en fougères
excitant ce qui vacille
ce qui friable à bout de peurs et de vestiges
il suffit de cet éclat
au tranchant de la jupe
pour que l'ennui pétille de tous ses chenapans
trieurs de braises et de mensonges
grands semeurs de désirs
plaisanteries à courte mèche
qu'acharne-t-on par tout ce lisse
ville fondue au creux des paumes
on l'attend
prêt à offrir les tempes à l'errance vague du geste qui aura
traversé tous les signes
4
toute aïeule dévorée
le loup dégénère dans un espoir velu
l'enfant
on en profite pour la couronner de comptines
elle règne
dévisage
détricote la princesse
ses petits chats se pressent
pour laper la mariée
elle vole
dans les grands magasins ce qu'il lui faut de goût
pour singer la candeur
voyageurs
venez vider vos pas sur ses tapis à vif
elle ira loin
enfreignant les contours
elle s'appellera Sève ou Négligence
ses amants s'ouvriront les veine
pour prouver vaguement quelque chose
chose étrange
inexplicable
et pourtant bien réelle
elle mimera le brillant des querelles
danseuse
elle enchante ses pointes
l'ondulation des gammes emporte ses terreurs
menteuse
elle ne sait plus à quelle démesure se vouer
elle se frotte à toutes les franchises
ses cils chuchotent
sa bouche effeuille
jamais le pain ne sera aussi bon
5
de peu vêtue elle offre un téton attendri
aux lèvres de la petite
qui se rêvait jadis au jeu du mal précieux
les miroirs s'inclinent
laissent glisser son image
vers les lointains éparpillés
parmi les robes
les coffrets
les dessins
les baisers posés comme des devinettes
sait-elle ce qui assiège ses repaires
quelles scènes sous les fronts
se plaisent à moisir
il y a du sournois dans l'air
la conscience engendre des crevettes bizarres
que la douleur déguste en faisant des manières
de marquise dégénérée
6
fée minime
vient-elle déchiffrer la charogne
où nos forbans pétrissaient des trésors
sa douleur joue de toutes les frisettes
son rire agite les héros pétillants
qui se sont pris les pieds dans ses voyages les plus simples
on dit qu'ailleurs les museaux se font braises
dans un fouillis de parfums secs
on parle de lenteur
les doigts s'improvisant long désespoir du givre
on dit la peau délivrée de ses songes
sera le pur cercueil
7
vainement elle a cherché à distancer ce vent
assoiffé qui se penche
pour boire aux chemisettes
aux jupes
aux petites herbes
le voyage s'étourdit
styliste des hiboux
on somnambule en douce de la suivre
de la perdre
la retrouver blottie
les doigts chantés par maintes cueillettes
on en ressasse le murmure
va savoir si l'on s'épuise
si l'on espère
8
elle se souvient
elle picore les instants comme des pistaches
ou bien s'endort dans l'assassin
dont la moindre pensée se gante
pour chercher dans les plaies de ses victimes
une preuve d'amour
il nage dans le souffle des insomniaques
il fignole
précise des regards
aux minutes impitoyables
9
des migrateurs distraits picorent ses timidités
ses détours un rien dévergondés
ses il était une fois les petits seins
d'une amie qu'on bégaie à tâtons
les nudités à brûler les rideaux
les planques bordées de cils
où s'éternisent des kidnappings majestueux
toutes les fièvres sont de mèche
elles n'en finissent pas d'émietter leur butin
les aveux s'enveniment dans un grabuge de transparences
il reste des cerceaux oubliés
dans la raison des guetteurs pointilleux
il reste
cet aveugle dans leurs yeux
ces petits coups de canne blanche
qui martyrisent la lumière
il reste des détails
des vitriers fragiles
il reste l'heure
où le gravier ricane au coeur
d'un ogre un peu gonzesse
10
elle a perdu ses perles ses bagues
elle a perdu ses pierreries et ses musiques
elle cherche entre les cuisses
dans la rivière
elle fouille ses reflets
sa peau la brille
au hasard des yeux larmoyants
battement de cils
il pleut
elle déchire le plus beau chagrin de ses poupées
sa chambre fait des clins d'oeil
aux îles et aux voyeurs
11
parfois elle s'encanaille en quelques margoulins
en matous qui de tout vice
débarbouillent nos légers espoirs
le petit peuple écrasera
le petit peuple en fera des paupières
des nombrils
des éphélides
le petit peuple en raffole
du bout des seins jusqu'aux étoiles
des chevilles jusqu'aux tempêtes
et puis le petit peuple se disperse
s'en va
dans tous les sens de l'histoire
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