finir amour
Bientôt midi, j’ai hâte de te retrouver ; en attendant je radote mentalement. Un tas d’époques se disputent dans l’ironie du sort, la bonne foi n’en étouffe aucune ; elles respirent toutes avec cette aise dont on fait parfois de la buée dans les maisons d’enfants, dont on fait également des fronts sans fièvre de rechange. Et le sort s’étale, coule comme une sève irriguant les pylônes pluvieux, colle aux pas des ménagères encombrées de matins, et ainsi de suite, avec quelques cernes à la fin. Le boucher sourit rouge, ça encourage la clientèle. L’épicier grossit, on ne sait pas vraiment en apprécier le bénéfice mais, sûr, le couscous ni la laitue n’en sortiront perdants ; les ragots non plus, lesquels s’émiettent à la légère sur le chômage d’en face.
Une vieille passe.
Son cabas vide la tire vers la terre. On n’ose pas l’imaginer le cabas plein. On a peut-être tort, ça pourrait stimuler l’optimisme. En tout cas, une vieille passe que l’on n’ose pas imaginer jeune ; on a sans doute encore tort, mais on s’y fait. Et l’on s’aventure dans le tort sans y trouver plus d’obstacles qu’ailleurs. On ne regarde pas à la dépense, on n’hésite pas à donner, donner raison ; bien sûr vous avez raison, je me trompe, je n’en finis pas de me tromper, c’est ma nature, alors je donne pour contribuer tout naturellement au triomphe des justes causes. Ainsi j’achète le droit de voir la petite Farida caresser Alice dans une vitrine fondante.
C’est adorable.
Là, il n’est plus question de donner, ni de raison, il s’agit de reflets frissonnants, de fleur de peau.
Je chaparde quelques poignées d’instants, de quoi me bricoler un millénaire d’orgies intimes.
Une brise de friture s’impose peu à peu ; bientôt, à chaque fenêtre, une mère appellera ses gosses. Pour l’heure, les salopiots cavalent à la poursuite de leurs gros mots ; ce n’est pas encore aujourd’hui qu’ils diront bonjour à la dame.
Quant aux joueurs de boules, ils mâchent une longue paille pour mesurer la distance qui sépare leur salive de la mer.
Je presse le pas.
J’ai rendez-vous avec un apéro courtisé d’olives noires. Et avec toi.
J’aime la ponctualité ; j’aime aussi noyer ma mémoire dans une brillance d’imperméable, dans une peau mouillée où les caresses lisent la lumière à l’envers ; j’aime repêcher une nostalgie presque morte dans une flaque de feuillages.
En définitive, je t’aime.
Je ne manque pas de bonne volonté.
On m’accordera certainement quelque mérite, si toutefois je ne laisse pas l’amour fou finir amour crétin.
Commentaires (4)
mais jamais tort d'aimer.
Elle, est vieille, mais non pas morte. Manger, c'est vivre aussi, et la charrette, vide ou pleine, il faudra bien la tirer en corps. Je lui souhaite d'avoir pu tisser dans son intimité des orgies, tout au long de son centenaire. Ce poème est un tableau réaliste et poignant.
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