Jamila ma soeur lointaine.©Ce texte est protégé par un copyright.
Jamila venait à ma rencontre et je découvrais sa silhouette fine, et son teint épicé presque doré. Je ne l’avais vue qu’en photo, sur un site où nous échangions depuis longtemps des textes poétiques et qui peu à peu nous ont rapprochés comme si nous nous connaissions depuis longtemps.
Le verbe et le mot
Clés d’or d’un esprit ouvert
Portes du partage.
Dans nos nuits d’insomnie, à des kilomètres loin l’une de l’autre nous reculions les heures du matin s’éclaircissant. Je savais d’elle ce qu’elle-même n’avait jamais raconté à personne et elle savait de moi les doutes et les peurs qui m’assaillaient devant la fuite du temps.
Famille de cœur
Fraternité essentielle
Ma moitié d’orange.
La vie s’arrêtait à cet instant douloureux où le corps abandonne l’idée de son immortalité. Je n’avais jamais pensé que la mort pouvait venir si vite...si tôt, comme une voleuse.
Communion d’idées
Silences remplis d’amour
L’amitié se brode
Jamila m’envoyait des dattes et des pâtisseries confectionnées pour moi ainsi que des poudres au pouvoir magique que je brûlais dans une coupelle qu’elle m’avait envoyé à cet effet.
L’odeur d’encens se répandait dans la pièce et c’était comme si la présence de mon amie se matérialisait dans cette chambre, en gommant les odeurs de tisanes insipides que l’on m’apportait avec mes cachets.
Volutes blanchâtres
Tourbillonnantes senteurs
Vapeurs enivrantes.
Guéris vite ma sœur, m’écrivait-elle. Guéris vite pour que je puisse te montrer les dunes se griffant sous le vent, les oueds de mon enfance, les palmeraies miraculeusement vertes dans un paysage lunaire. Guéris vite car ce que je t’ai écrit est moins beau que ce que tu vas voir. La mer et la plage à l’infini d’Agadir, les rues de Marrakech, sa casbah, où là on s’achètera la même tenue traditionnelle le jour de mon mariage.
Rêver yeux ouverts
Soieries, bijoux ciselés
Parfums d’orient
Et j’imaginais, yeux fermés, que les arbres noirs que je voyais de la chambre d’hôpital, en ce mois de février, se changeaient en palmiers aux lourdes grappes orange. Palais des mille et une nuits, légendes orientales, Le rêve prenait corps, et je m’évadais de cette vie au rabais.
Roses et Jasmins
Fragrances printanières
Je les percevais
Puis les mois passèrent. Jamila était toujours là, fidèle, à nos rendez-vous nocturnes. Mes chimios s’espaçaient et je voyais déjà un duvet frisottant coloniser mon crâne... Belle était la vie qui revenait dans mon corps. Et pourtant, pourtant, je me retrouvais seule. Mon mari n’avait pas supporté cette épreuve et avait refait sa vie, loin de moi. J’en éprouvais presqu’une délivrance. J’allais pouvoir enfin exister pour moi-même !
Projets enfantins
Peindre, écrire, voyager
Liberté enfin.
Pouvoir de la maladie pour faire sauter les vieilles structures aliénantes, je découvrais vraiment la beauté de la vie et l’inutilité des choses superflues. L’amitié de Jamila m’avait soutenue et je puis dire qu’elle a été la première à m’encourager à révéler ce que je gardais en moi depuis longtemps. Je me souviens de la première fois où elle m’avait envoyé ce cahier recouvert de cuir repoussé où s’inscrivaient mes initiales. Les pages rose saumon avaient cette couleur douce que j’affectionne particulièrement. Jamila m’avait écrit d’y inscrire tout ce qui me passerait par la tête.
C’est là que j’y inscrivis ma devise :
Se soumettre sans se démettre, et au fil du temps, le cacher s’est rempli de mes croquis et mes premiers poèmes malhabiles.
Septembre doré
Jamila m’attend là-bas
C’est bientôt ses noces.
à suivre.
Commentaires (5)
Puisse cet échange de coeur perdurer bien longtemps ; puissent vos mots être toujours aussi doux, voyageurs et rieurs.
Merci pour ce magnifique Haibun.
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