La nouvelle Eve©Ce texte est protégé par un copyright.
Je suis femme à peau tachetée.
Quiconque voit ma peau comprend intuitivement, immédiatement, qu'il ne s'agit ni de grains de beauté ni de taches de rousseur.
Ce sont... des taches.
Des taches le plus souvent brun rouge, de taille variable et de forme indéfinie.
Elles sont apparues, comme ça, un beau matin. Sans prévenir. Elles continuent d'apparaître.
Ni contagieuses ni transmissibles, a priori inoffensives, elles sont orphelines de toute explication et de tout traitement.
Ces taches sont, tout simplement. Par nature.
Elles attirent nécessairement l'attention. Quelquefois les questions.
Je les accepte, elles vivent en moi et je vis avec elles, depuis si longtemps que je les oublie.
Parfois.
Avec les hommes ?
Elles ne m'ont jamais posé problème.
Oh, il y en a certainement qui ne les trouvent pas à leur goût. Peu m'importe, mes taches leur survivront.
Et il y a les autres, ceux pour qui elles furent source de curiosité, parfois de convoitise.
Elles ont même fait l'objet d'activités récréatives fort plaisantes.
L'un d'eux a entrepris de les compter. Leur dispersion sur ma peau est tellement aléatoire que les dénombrer est mission impossible sans un minimum de rigueur scientifique. L'homme a vite renoncé.
Un autre s'est amusé à les relier d'un trait de feutre noir, créant de véritables constellations. Leur donner formes et noms fut un moment inqualifiable de magie cosmogonique : j'étais devenue femme galaxie !
Enfin, mon homme nous a faites siennes, elles et moi. Adoptées, mes taches font désormais partie de la famille.
Quelle idée saugrenue ?!
Telle fut ma réponse à cet éminent professeur quand il me proposa non pas de les faire disparaître, impossible, mais de les faire s'estomper.
Je dois préciser que j'ai déniché un docteur es taches. Longue fut ma quête, de médecins en dermatologues. Vingt-cinq ans de mines dubitatives, de questions sans réponses, et de "et à part ça ?" échappatoires.
J'en reviens à mon professeur de médecine, hématologue de son état.
Je compris à la mine décontenancée du scientifique que je n'avais pas la réaction prévue, attendue, souhaitée. Normale ?
Comment ce spécialiste peut-il comprendre que ces taches font partie de moi ? Qu'elles me caractérisent ?
Non pas qu'elles me rendent unique ou que j'en tire une quelconque fierté.
Simplement, je suis et je reste femme tachetée.
Il paraîtrait même que je suis tachetée de l'intérieur...
Commentaires (6)
Même de loin, moi, je suis différent.
je ne me pose même pas de questions.
c'est à prendre avec moi pour ceux qui veulent.
les autres, laissez-moi tranquille.
commentaire
pour ressembler a la masse, et ainsi être soigneusement comptabilisé, comme les vaches aprés l'alpage
gardez vos taches, j'ai toujours aimé la peinture