Les Camisards...©Ce texte est protégé par un copyright.
Sur ce très ancien champ de bataille,
Le sol gorgé de sang et d'entrailles
Répandus au cours de ces pagailles,
Nourrit d'abondance les représailles.
Sur ces herbages grassement nourris,
Engraissent les moutons d'aujourd'hui,
S'endorment les randonneurs flapis
Et s'aiment les amants alanguis.
C'est pour l'amour de sa Mariette,
La ?princesse des Cévennes' qu'aimait
Le chef partisan, Castanet,
Qu'on enleva pour l'échanger
Dame bien née de Valleraugue.
Puis s'engagea un dialogue,
Tenu parfois sur un ton rogue,
Pour un romantique épilogue.
O ! Vous, les fantômes des Camisards,
Vous troublez encore les cauchemars
Des génies de la guerre, des César,
Gloire méritée des chefs de hasard...
Revêtus de la chemise blanche,
Ce symbole de votre lutte franche,
Votre angélique volonté s'épanche
Sans qu'aucun de vous, jamais, ne flanche...
Sentinelles dormant au rude bivouac,
Ou accotées à leur havre-sac,
Relevant âprement leur colbac,
Piétinant dans d'immondes cloaques...
Froides cavernes protégeant blessés,
Hardes, vivres, armes bricolées...
Malades, en secret ravitaillés
Et par deux chirurgiens, visités...
Charbon de saule, salpêtre, bouillis
Pour fabriquer la poudre à fusil ;
Baïonnettes, sabres, arsenaux maudits
De ces pauvres fermiers qu'on spolie.
Ô ! Terre enrichie de leurs dépouilles,
Mémoire vénérable mais qui se brouille
De tous ceux que sans cesse l'on dépouille,
Vénères ces victimes que la haine souille !
Persécution inouïe d'un Roi (1)
Tout puissant qui chassa de leurs toits
Hommes, femmes et enfants pour leur Foi,
Toute une population aux abois !
Martyrs mains brûlées, écartelés,
Charbons ardents, barbes arrachées...
Femmes et fillettes encouventées,
Pauvres innocents engalérés,
Braves à cavaler dans les montagnes,
Que le Dragon poursuit de sa hargne,
Esprits sincères mais que rien n'épargne
Et qui connurent bien pis que le bagne,
Prophétesses victimes des sanguinaires...
Larmes de sang, abreuvez notre terre,
Pauvre terre d'un Languedoc millénaire
Tombé sous les sabots mercenaires.
Fiers Camisards, chargez vos mousquets !
Brandissez faucille, maniez cognée,
Et tuez les Dragons sans regret.
Bénies soient les balles des insurgés !
(1) Louis XIV
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