Trottoir d'Enfance
Mes parents ne voulaient plus rien, merci, surtout pas un « ravisé », ou s’il fallait vraiment, le vin étant tiré, alors une fille, à la rigueur, pour jouer avec ma sœur qui, à huit ans, était déjà remuante, ça l’occuperait. Ils en étaient venus à se persuader qu’ils auraient ça. Je suis arrivé dans ce contexte, bonjour l’erreur.
Au débotté, parce que l’on ne m’attendait absolument pas comme ça, avec les deux prénoms de ma mère, masculinisés, on m’en a fait un, assez nouveau pour l’époque (Je n’avais pas fini de porter des habits retaillés, de ré étrenner des jouets de recyclage, retapés avec de l’ingéniosité bien ingénieuse et de l’amour bien bourru).
Ma sœur s’est mise à brailler qu’on lui avait promis une petite sœur, une poupée-fille, elle n’en voulait pas de moi, il fallait me ramener à la maternité !
De guerre lasse, à bout d’arguments sans doute, mes parents firent mine de transiger : ils voulaient bien demander un échange, mais il n’y avait guère de choix, c’était ça, ce garçon-là, ou une petite « négresse », elle était prévenue. Cela se tenait : on était encore à court de pas mal de choses, cinq ans après-guerre.
Comme espéré, cela mit un terme à ses réclamations, elle me bouda « -Il pleure, ton fils.. ! » disait-elle à ma mère…), puis elle m’aima.
De mon côté, reconnaissons que je fis de mon mieux. Jusqu’à ne me laisser pousser jamais qu’une bitougnette –dont ma mère s’inquiéta longtemps, sans grand tact- mais sournoise, trompeuse la chose, qui ne se révèle, mais alors tout assez honorable, qu’à la bandaison. Au repos, on ne m’achèterait pas, mais avant qu’on ne m’ait acheté, je ne connais pas le repos. Après, après la satiété on se découvre de l’attendrissement pour –je suppose- ce petit animal qui dort, qui porte à la taquinerie.
J’ai porté jusqu’à l’école primaire une longue mèche, que ma mère faisait tenir avec un genre de barrette, un « cran » (« - Viens là, que je te mette ton cran… »). Ma sœur m’a chéri et pouponné à outrance. Dans sa chambre, elle m’installait sur une chaise, me maquillait, me couvrait de « bijoux », me ramenait, on s’extasiait.
J’ai fait de mon mieux pour les mériter, les valoir toutes deux, j’y ai gagné, ce dont je leur suis reconnaissant, du yin dans mon yang, un amour complice, contre-nature, des femmes.
Mais voilà pourquoi, Monsieur, Madame, votre enfant n’est pas une fille, mais votre fils chanta très tôt le blues. Il y a de la goudou black en moi, Sista’.
Commentaires (4)
N'avez vous pas envie d'aller au-delà de la nouvelle ?
... Mais... qui suis-je..? 😉
J'ai eu cette présomption, pour être franc... "Trottoir d'Enfance" était un tapuscrit "machine" de quelques 400 pages... que je suis fait piquer en même temps que ma musette, dans ma voiture... alors que je devais aller en faire des copies..! A l'époque je ne disposais pas d'ordi et encore moins (donc..!) de Word..! Je retrouve de temps en temps des morceaux... manuscrits... Malheureusement (ou heureusement...) je crois que l'on n'écrit jamais deux fois la même chose... En tous cas, ne m'y suis jamais résolu... Merci de vos appréciations..!
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