poèmes d'amour (1)
seul c'est aussi cette chambre
à choisir un destin parmi les plis de draps
quelques bijoux intimidés
de toucher les dentelles
laines bleues
bas légers comme on chuchote
des robes toujours
parfument le silence
ici mourir serait
une infinie tiédeur
la mémoire enfin de ces temps
où les saisons
aveuglément
dormaient dans une femme
*
les caves ont encore quelques matous à chiffonner
quant aux signes des hauteurs
fracas de bouteilles vides
dévalant le vide-ordures
puisqu'elle y tient
je laisse la lampe réchauffer ses histoires
ce ne sont que châteaux titubant
dans la frilosité des murs
que vagues saphismes embrumant les princesses
dans l'œil des pervers borgnes
un loup lentement s'allonge au pied du lit
belle bête
tiédeur soumise au long câlin des cendres
entre les crocs
lambeau d'étoffe rouge
dont le plaisir frôle un instant les rideaux
écrasant ma gauloise
ce sentiment
d'anéantir une ville entière
à cette époque vivait la reine d'une beauté rongeuse
l'enchanteur buvait trop
la mort des fées craquait dans les brindilles
il était une fois un ogre un peu niais
qui s'endormit tout au fond de ses bottes
*
si
certaines nuits
des feux follets
viennent danser sur mes paumes
c'est en hommage
aux superstitions les plus caressantes
à cette obscurité très douce
où l'amour
malgré mon âge
croit encore aux fantômes
*
c'était tout le convenu du grand triste pluie
sans cesse et sans mystère
presque nuit
trottoirs où les feux
pourrissent de reflet en reflet
retrouver chez nous son visage
m'eût rendu l'évidence et de laisser
longtemps la nuque fondre en plis de jupe
les doigts se nourrir de très lisse aux genoux
le doux refus enrobé d'elle mais ce fut l'absence encore
un déploiement de rapace dur
dans l'effondrement des épaules
puis comme un rire idiot giclant
de bovins éventrés
n'ayant de Monsieur Forneret
les penchants autophages
ne mangeai pas ma main
mais la gardai plutôt pour honorer la solitude
de mon dernier signe ascendant
*
la gare notre voisine a jeté l'ancre
les trains s'aggravent
leurs voyages peuvent bien rayer nos vitres
nous resterons chez nous
nous n'habitons certes pas un château mais l'Espagne
tu sais parfaitement l'émietter sur mon front
même quand tu dors
emmitouflée de calme
quand mon canapé chavire
je nage où le jour n'oserait pas une trempette
ma brasse ouvre un temps aux tiédeurs plus épaisses
le corps pressent le fond où les regards se décomposent
je cherche une noyade
lumineuse
là où tard dans la nuit se pose
la dernière fenêtre éclairée
*
la nuit
j'aimerais lui lacérer le visage
à coups de rasoir
mais les voisins
réveillés par les cris
m'accuseraient d'égorger
les moutons dans ma baignoire
alors je la caresse doucement
doucement
du bout des doigts
ça doit bien laisser des traces
quelque part
*
ne crains rien du guérisseur boiteux
ses doigts sauront bien soulager
tes peines et tes mystères
émietter doucement sur ton front sur ton cou
sur ton con tes chevilles
un sourire indulgent ou un très long soupir
tu pourras de nouveau faire ton marché mignon
te procurer des frissons des épices
et cacher bien au chaud sous ton sein gauche
tes petites économies
*
six heures
le parc se frissonne tous ses piafs
tu dors encore
le soleil fait le coup du jeune chat
à ta robe
qui traîne sur le pouf
pourquoi voudrais-je plus loin que ce présent
qui doucement s'avance
pieds nus vers ton réveil ?
je suis toujours clown de tes lèvres
le jaloux de tes yeux
le gourmand de la confiance
je sais qu'au bout de tes seins
mon avenir m'attend
doux et fondant comme un mensonge
*
ses bas en ciel bleu montant
à mi-cuisses allongée
sur le côté main gauche derrière
mains droite devant yeux clos
de savoir alors si je
est une autre on s'en fout
ligne de vie raie du cul
complotent les destins
tandis que le médius joue les forbans timides
tandis que l'annulaire joue les grands transparents
tout le reste est absent
et il a toujours tort
*
je ne peux rester en place
je voyage tant que j'ignore où
je suis de quand
je viens et de qui
tu me frissonnes
je nous vois toujours de loin
et de longtemps
comment savoir
si l'on approche ? ailleurs
commence à fleur de peau
*
Le naïf trouve toujours les signes, les preuves. C'est ainsi que, vers midi, il sème en toute confiance ses zéphyrs de sandwich, ses automnes de laitue au long du boulevard Saint-Michel, sûr de te retrouver par hasard. Il a préalablement disposé les frôlements de mains, les sourires, les maladresses bouleversantes autour des verres et des reflets. La coïncidence n'est plus qu'une formalité. Elle s'accomplira comme prévu. Le naïf aime offrir une dernière chance aux paradoxes sans espoir.
*
soir pluvieux rue de Rennes
lisse
vertige
patinages lumineux
tout se reflète en tout
la nuit attend
qu'on l'aide à traverser
Je n'ai pas que ça à faire
j'ai rendez-vous
avec une brune adorable
toutes les questions s'émiettent sous mes pas
l'évidence est là
il n'y a pas que la peur qui sache
bien jouer
à cloche-pied dans le sang
vivre
ça vaut le coup
ce soir
je pardonne comme je respire
(à suivre)
Commentaires (5)
j'avoue l'avoir lu plusieurs fois - avant de poser un commentaire.
Beaucoup d'images allégoriques cela méritait beaucoup d'attention. Bel exercice.
commentaire
j'apprecie