Réflexion I

Je suis une platebande dans laquelle l'humanité vient marcher.
Depuis toujours.
Depuis que j'ai eu l'âge de lâcher la main de ma mère. Prendre la main d'un homme ne change rien à l'affaire.
Platebande je suis...
Toujours et partout.
Dans la rue, au marché, au théâtre, à l'école de ma fille, lors d'un concert, au travail, dans la grande surface.
...Platebande je reste.
Bien malgré moi.
Je prends pourtant soin de laisser passer les pressés, faire de la place aux encombrants, me mettre au coin, anticiper les trajectoires...
J'ai beau faire, rien n'y fait.
J'attire irrémédiablement les coudes et les coups, les sacs et les caddies, les objets qui tombent, les enfants qui courent, les chiens enlaissés.
Je suis le passage obligé de la foule, le lieu de rendez-vous de milliers de pieds, la croix sur la carte au non-trésor.
La platebande à piétiner.
De deux choses l'une : ou je suis invisible, ou je suis dotée d'un magnétisme hors du commun.
L'alternative est angoissante.