Roberto, de retour dans l'eau
Pour chacun d'eux, le printemps revient avec un fendillement de la glace, trace du vent du sud.
Lui, chamane mille fois réincarné, il toque à la croûte de glace, comme on ausculte un œuf à la coque, et dit OK !
Lui, cueilleur d'éponges de père en fils, il plonge dans l'eau tiède d'abord sa fidèle serpette, taillée dans un crâne, puis son corps à lui, ocre, encore rouillé par un hiver d'ennui, passé à donner dans un peyotl inerte quelques coups de mâchoire sans conscience.
À présent il nage. Il nagera des heures, dans son corps retrouvé. Ses muscles étranges ? Réconciliés !
Il nage sans songer aux éponges, sans songer à demain et leur chair sèche dans les besaces des contrebandiers. Il accueille l'eau comme les boues de jouvence où se roulent, extatiques, les ours sacrés et les naïades. Il accueille en chaque pore tout ce que l'eau recèle.
Poudre de nacre.
Copeaux d'éponge.
Miettes d'algues.
Fragments de souvenirs : du parfum des coraux sauvages au brame hallucinant des supertankers, ceux qui d'un trait de plume font le tour de la Terre. Aucune fatigue n'entrave le cueilleur d'éponges. L'eau mousse entre ses gestes graciles, de la surface fendillée jusqu'aux abysses. Là-bas, ça grouille. Les agrumes tout ronds d'élixirs potentiels, tout prêts à se fendiller, reverdissent soudain entre les susdits coraux, engloutis, oubliés sauf à les croire figés sur un socle de plomb. Indifférents à nos amnésies, ils dansent comme deux folles orties debout, debout dans le vent.
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