Roland Dubillard avait prévenu (2)
DONNER (extrait)
Donner un arbre est-il possible ?
Cet arbre-là, que j'avais sous la main,
je l'ai donné ou j'ai cru le donner.
J'aurais donner des feuilles de laurier tout aussi bien.
J'ai demandé autour de moi
quelque chose à donner, la première venue.
J'ai vu l'arbre et j'ai dit : l'arbre.
Il résonnait comme un silence où la parole est prête.
L'ai-je coupé ? Je ne l'ai pas coupé.
Ai-je parlé de chaque feuille ?
La nuit était si grande ! On aurait dit qu'avec son clair de lune,
elle avait chaque feuille à elle ;
et elle a emporté dans son silence mon silence intact.
Qu'ai-je donné ? Est-ce qu'on donne ?
La moindre pierre ne m'appartient pas.
Qu'ai-je donné ? Mais ce grand désir de donner
lui-même ne m'appartient pas.
C'est par la nuit que tu me tiens, ma belle.
C'est par la nuit que je disparaîtrai.
ROLAND DUBILLARD ("Je dirai que je suis tombé" Gallimard, 1966)
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