YOL
Depuis 1982 je me trompais.
L'affiche du film Yol fut mon rayon de soleil tous les matins. Sur le chemin de l'école, elle s'offrait à moi à travers l'immense vitre du Yol, un café-restaurant dont elle faisait office d'enseigne, placardée au format XXL derrière le comptoir.
À Yol, TV Magazine allait accorder au moins 2 étoiles. Seul FR3 allait le diffuser, mais pas avant 22h30. Un film impossible à voir donc. Un film non vu.
Hier, que trouve-je dans la benne "tout-venant" de la déchetterie municipale ? Un DVD ! De quoi ? De Yol. C'est fou que les DVD - ces supports hier adulés - finissent au rebut.
Yol est là, dans mes mains. Que le disque soit exempt de rayure et dans moins d'une heure Yol s'offrira à moi. Cette affiche qui a ponctué mon enfance prendra vie.
Réglages. Audio : turc. Sous-titres : français. Tiens, le nom de Sean Connery ne figure pas au générique, bizarre. J'élucide rapidement ce mystère, avec amertume.
Depuis, chaque minute de vie m'éloigne d'hier... du dernier instant où je crus Sean Connery le héros de Yol.
... du dernier instant où Yol était autre chose, ailleurs, ailleurs à l'est, quelque part entre la Russie et le Tyrol, ou en Mongolie, dans une steppe.
Où Yol était un petit long-métrage plutôt folklorique mais avec Sean Connery himself, descendu de ses highlands - la tête emmitouflée - pour regravir les pentes d'une montagne des Balkans, appelons-là ... Yol.
Yol ! C'était aussi un cri de joie, d'espoir, ou simplement le mot qui signifie espoir.
Une femme était prénommée Yol ; une tzigane dont Sean Connery tombait raide dingue.
Quoi d'autre ? Je ne m'en souviens pas. Si seulement j'avais davantage fantasmé ce film, j'aurais aujourd'hui beaucoup plus de matière pour écrire. Et je m'en souviens d'autant moins que les vraies images de Yol sont fraîches et vivaces. Leurs tentacules enfouissent mon Yol d'enfant et m'entrainent avec elles. Ces intruses.
J'aimerais tellement me souvenir de ce que j'imaginais au sujet de Yol. Il me faudrait remonter le temps. Pas forcément jusqu'en enfance, au moins jusqu'à hier, à la déchetterie. Même si ça faisait 30 ans que je n'avais pas pensé à Yol, le fait que Sean Connery en fût le personnage principal faisait partie de ma culture. À la question quiz "Qui joue dans Yol ?" j'aurais répondu du tac-au-tac Sean Connery ! Hier, à la déchetterie, j'étais toujours dans l'erreur, j'avais tort, j'étais à côté de la plaque. Cette époque d'innocence entre l'enfance et hier me semble à présent merveilleuse. Est-elle reproductible ? Pour la revivre, je me martèle que oui, Sean Connery est bel bien le héros de Yol. Les arguments sont irréfutables : sans une star mondiale comme lui, jamais ce modeste film n'aurait gagné la palme d'Or. Pff ! De quelle foi immense faut-il être habité pour croire à ce qu'on sait ne pas être ?!
Commentaires (3)
commentaire
C'est vrai que la ressemblance est réelle... 😉