A la beauté qu'on assassine©Ce texte est protégé par un copyright.
C'était un petit pays La Hague,
sculpté par le vent et la vague;
une terre sauvage
venue du fond des âges
que la rigueur du temps
avait, par bonheur et depuis longtemps
éloignée de l'argent
et des gens.
En échange de ce doux sacrifice,
nos filles et nos fils
avaient l'or des genêts des collines
et l'éclat immaculé des branches d'aubépines.
Sur cette étrave de pierre qui écume la mer,
et dresse sur l'horizon ses flancs noirs et verts,
les roses et les bleus des bruyères
offraient à l'infini leur délicates lumière.
Mais dans le secret de l'ombre,
l'intelligence sombre.
Il s'y commet des crimes effroyables:
on a détruit ces lieux inestimables.
De Beaumont à Jobourg la colline a été dévastée,
retournée, aplatie, infestée.
Un projet insensé, une chose titanesque
a poussé ici comme une verrue grotesque.
Sur ce qui fut la fleur d'un monde,
à vingt lieues à la ronde,
jusqu'aux rives d'Aldernay,
la science exhibe son hideux dernier né.
Un chef d'oeuvre fermé de barbelés,
borgne, démesuré et laid,
un bijou paré d'ombre et d'effroi:
le royaume de l'atome roi.
Pour enrichir la France et gagner en puissance,
faut-il détruire les lieux paisibles de l'existence ?
Pour une poubelle nucléaire,
fallait-il une si belle aire ?
Entendez-vous pleurer l'âme de cette terre
ensevelie sous le béton et le fer ?
Triste est la vague,
morte est la Hague.
Crève la grève.
Sèche la source de mes rêves.
Beau pays
frappé comme Pompéï,
ta fortune
est un parfum de cendre qui flotte sur la dune.
Vous les humains
qui tenez nos destins dans vos mains,
cessez de profaner les sanctuaires de la terre.
L'offense est un fléau aussi grand que les guerres.
Marc HÉROUT
(1994)
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