Nous faisons partie des seuls à être honnêtes.
Nous écrivons.
J’écris.
Mes doigts dansent sur les touches du clavier de mon ordinateur portable, et j’écris. Je ne sais pas réellement ce que j’écris, ni pourquoi. Je me contente de pianoter.
J’éprouve – nous éprouvons – une intense satisfaction lorsque nous enfonçons les touches de nos doigts agiles et tant admirés. Nous déversons toutes nos rancœurs quand nous tenons le plus simple des stylos BIC entre nos doigts souvent moins propres que ceux du commun des mortels, mais tant reconnus.
Car, voyez-vous, l’écriture est la chose la plus jouissive et la plus obscène qui soit, et j’aime ça. En effet, quel autre moyen a-t-on d’exprimer aussi clairement et crument ce que l’on veut dire ? Qu’avons-nous d’autre qui puisse révéler nos plus noires pensées sans se soucier des conséquences ? Certains me diront la musique, d’autre la peinture. Tout ceci brouille nos véritables pensées, les masque et les rend acceptables pour les gens soi-disant biens. Malgré leur incontestable beauté et leur simplicité d’accès, ces méthodes manquent cruellement de précision, afin de pouvoir nous exprimer le plus fidèlement possible. Elles dissimulent la pureté de notre noirceur.
Je reconnais cependant que la cinématographie offre également une exceptionnelle liberté d’expression. Elle recèle toutefois deux aspects qui me déplaisent. Le premier est que – vous ne pourrez le nier – ce n’est pas la portée de tout le monde que de réaliser un film. Le second coté déplaisant est que, si l’on peut exprimer ce que l’on ressent avec justesse, on le fera en imposant son point de vue au téléspectateur, en l’écrasant et en l’empêchant de comprendre par lui-même. Le lecteur, en revanche, pourra imaginer, rêver et donc saisir la portée de ce que l’on lui offrira en fonction de sa personnalité.
Et c’est cela qui rend notre influence plus importante.
L’écriture est le paroxysme de l’indécence. Nous, écrivains, amateurs ou professionnels, nous nous déshabillons devant vous, chers lecteurs. Nous nous mettons entièrement à nu pour une cause bien plus importante que votre propre satisfaction. Nous faisons cela uniquement pour notre plaisir, pour jouir de la liberté de tout révéler sans interdits, tout en vous permettant de conserver une approche qui vous est propre grâce à votre imaginaire. Croyez-vous réellement que nous nous soucions d’autre chose ? Il existera certes des imposteurs qui écriront pour les bénéfices financiers qu’ils en tireront, mais tout écrivain se respectant n’est rien d’autre qu’un superbe enfoiré, un bel égoïste qui se rie totalement de se que l’on peut penser de lui en le lisant.
J’en fais partie.
J’écris donc, et je prends mon pied. Je me délecte des infinies possibilités qui s’offrent à moi, je savoure la liberté sans limite que je découvre à nouveau. Je m’échappe de ma vie pourrie.
Je respire.
Nous faisons parties des êtres les plus abjects qui soient, et nous le clamons.
Et les gens, dans leur sublime et involontaire indulgence, nous lisent.
Nous critiquent.
Nous apprécient.
Nous détestent.
Nous décernent des prix.
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