A D R E N A L I N E
Le coup de sifflet retentit, enclenchant le mécanisme formidable du corps humain, les jambes qui se détendent d'un coup de canon et la surface granuleuse du plongeoir qui disparaît. La tête rentrée, sous les épaules et les bras dont la flèche crève la surface de l'eau. Le corps s'immerge dans la délicieuse et fraîche apesanteur de la piscine. Deux ondulations, je remonte à la surface..
Encore une ondulation, la flèche se défait, mes bras glissent rapidement dans l'eau, d'une impulssion tout mon corps se tort surelevant la partie supérieure de mon buste. Mes bras passent rapidement au-dessus de ma tête, sur le côté, replongent, ressortent, des ondulations encore et encore jusqu'à la fin de la longueur, je ne sais pas où en sont les autres, je ne réfléchis qu'au mouvement mécanique et programmé de mon robot organique. Aller jusqu'au bout.. Toucher des deux mains le mur et se renverser en arrière. Surtout ne pas ralentir. Mes jambes fléchissent, trouvent la surface dure, s'y appuient et se détendent, je fais un formidable bond en arrière, mes bras ramenés en flèches derrière mes oreilles, un bras s'immerge, je prends ma respiration lors de la poussée, je souffle quand il est hors de l'eau. Il faut accélérer, je peux faire mieux. Encore plus vite, GO AHEAD ! Respiration saccadée, le papillon est éprouvant, le dos crawlé permet de souffler. Souffler, entrer en hyperventilation. Je vois défiler à toute vitesse au dessus de ma tête les petits drapeaux m'annonçant la fin de la longueur. Un, deux, trois, quatre, cinq mouvements, je ne peux pas voir le mur qui se rapproche derrière moi, je sais dans combien de temps je l'atteindrai. Je laisse un bras derrière ma tête, il touche le mur. Je me redresse dans l'eau, je pousse, je suis repartie. Je n'ai vu que ma ligne, les autres nageuses, je ne sais pas où elles sont. Je dois me concentrer. La poussée un peu trop énergique fait claquer mon genou, je n'y prends pas garde, je nage. Un mouvement de jambe, je dois m'immerger le moins possible, étendre mon corps dans l'eau pour opposer le moins de résistance. Je laisse glisser mon corps, un mouvement de bras, je respire. la détente de mes jambes faiblit, mon genou me fait mal. " ALLEZ ! " Je me suis déconcentrée, j'ai entendu la foule crier aux nageuses, je sais que certains me regardent, je perçois que je suis en tête mais mon genou me ralentit et je sens que les autres me rattrapent. Il faut que j'ai une nouvelle impulsion. Ma brasse est tellement lente ! Que cette longueur finisse ! Enfin, je vois la ligne bleue achevée par le T, encore deux mouvements, mes mains à plats sur le mur, je croise le regard de la nageuse à ma droite, elle est à mon niveau.. Je sens l'adrénaline me monter au crâne, j'ai oublié mon genou, je ne pense plus qu'à une chose : GAGNER !
Mon impulsion est formidable, mes bras commencent leur ballet, allant chercher toujours plus loin l'eau à brasser, je ne respire plus, il ne faut pas que je ralentisse, il faut que je gagne... Gagner...
" ALLEZ ! "
De l'écume jaillit du bouillonnement que je précède, je fends l'eau à toute vitesse, battements, ne pas fléchir, mes bras sont en feu. Mes poumons brûlent, je sens ma tête tourner, il ne faut pas que je m'arrête encore un effort !! ...
Ma main heurte violemment le mur, je sens mes os craquer, dans un soupir interminable, je reprends ma respiration... L'arbitre s'approche de ma ligne :
J'ai gagné.
Ce texte figure dans la sélection de crisix
Commentaires (7)
J'aurais bien aimé, en phrase de conclusion un "Je suis deuxième". Ç'aurait été peut être plus éprouvant et aurait donné une chute plus amusante je trouve.
J'ai vraiment gagné ^^ de justesse, mais j'ai gagné !! J'suis très fière de cette victoire d'ailleurs. 😊 Qui fut malheureusement ma dernière...
Oui, le texte "bloc" est fait exprès, tout ça s'est passé tellement vite !
Pamée calée d'inspiration... zzz
Contrairement à Lenore, j'ai aimé que cette nageuse gagne, car en persévérant, en faisant fi de la douleur, la protectrice du corps, elle aura peut-être tout perdu.
Il y a tellement d'écrits moraux qui prônent telle ou telle vertu que cela en devient presque lassant, je trouve. Là, en l'occurrence, c'est la persévérance. N'y voyez rien de péjoratif, c'est un constat et ça n'enlève rien à la valeur du texte, j'ai juste mon point de vue.
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