"Aimer sans foutre est peu de chose, / Foutre sans aimer n'est rien"
Décidément, même dans le déduit, Jeannot ne pouvait réprimer ses pulsions de moraliste. La volonté d'édifier pousse ses fables hors poésie. Mais je n' apprécie pas QUE la poésie, aussi me suis-je souvent régalé de lire ou dire ses apologues dont la subtilité, l'élégance lucide sont l'oeuvre d'un grand écrivain. Parmi celles que je sais par coeur, "Les animaux malades de la peste" reste malheureusement d'actualité. " (...) On n'osa trop approfondir / Du Tigre ni de l'Ours, ni des autres puissances, / Les moins pardonnables offenses. / Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, / Au dire de chacun, étaient de petits saints..." On sait le réquisitoire du loup contre l'âne coupable d'avoir brouté en douce un peu d'herbe... et la condamnation à mort qui s'ensuit. "Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal...", ce fainéant, ce chômeur, ce SDF, cet assisté, ce bougne, ce nègre, ce romano, ce youpin, ce métèque, ce rouquin, cette sorcière.. cet être toujours tout désigné pour l'expiation, le voilà de nouveau, et comme jamais depuis Vichy, peste essentielle. Les lamentables "débats" préfectoraux ayant vainement bavé "l'identité nationale", les brutes gouvernantes ont trouvé de nouveaux baudets pour remplacer avantageusement les sans-papiers qui commencent à s'user ( pire: s'organiser et se défendre ) : les Roms. Oui, tu sais: les Romanichels, les Bohémiens, les Tziganes et autres Gitans qui savent même pas où qu'i z' habitent et qui z'en profitent de not' sécu ces loqueteux voleurs, mendiants et guitaristes. D'après les sondages, même ceux publiés dans les feuilles de "gauche", les Français (les simples mâtins) approuvent majoritairement. Pas étonnant: la conscience n'a pas fondamentalement changé depuis les temps féodaux, les temps de France profonde abrutie de misère, de superstitions (parmi lesquelles, bien sûr, la religion) et de haine vague. Bel été en vérité. Me croirais-tu, mon enfant, si je te disais que j'ai connu une fugitive époque où l'on n' osait s'avouer "de droite", encore moins raciste ou xénophobe?... Mais c'était une époque complexée. N'en parlons plus: à trop revivre, je risquerais de vieillir .
Commentaire
commentaire