Les gouttes
Il y a ces gouttes d'eau sur la fenêtre de la voiture et telle un enfant (que je suis sans doute encore, ne serait-ce qu'un peu), elles me fascinent, me captivent. Elles ont pris délicatement, calmement, doucement, lentement possession de mon regard, de mon esprit,... Je les observe, les espionne, les apprivoise et quand je sens qu'enfin elles sont miennes, je lance les paris, les pronostics: ce sera celle-ci la plus rapide... ou non plutôt celle-là. Alors j'essaie de mon mieux d'anticiper leur trajet, de prédire leur voyage, de deviner leur direction, de prévoir, de pressentir quel chemin elles vont emprunter. Je contemple leur chorégraphie improvisée, laissée à la merci du vent, de l'inclinaison de la vitre, de la taille de la goutte,... chorégraphie sublime à la merci du hasard. Hasard qui fait que certaines passent à une vitesse folle, hasard qui fait que certaines se croisent et s'entrecroisent pour ne faire plus qu'une, hasard qui fait que certaines ne bougeront jamais et resteront là enclavées, immobiles dans leur triste solitude, hasard qui fait que certaines s'esquivent de justesse, hasard qui fait que certaines se frôleront seulement et s'effleureront juste. Et dans ce ballet infernal, j'aperçois une image, une esquisse, une métaphore: on se croise, on se réunit, on s'abstient, on se déchire, on se frôle, on se réconcilie, on s'évite, on se fige, on se retrouve, on se fuit, on se cherche, on se sépare, on se rapproche, on s'éloigne, on s'attache, on s'empêche, on se lie dans nos vies, comme ces gouttes qui glissent sur la vitre.
Commentaires (2)
superbe texte ...
j ai laissé la vitre ouverte du coup........zuttttttt.....j ai la goutte au nez !!!!!!
commentaire
Les gouttes sont pour moi aussi un moyen de réfléchir sur la notion de hasard, tout comme le flot d'un ruisseau, lorsqu'on jette une branche d'arbre, où ira-t-elle ? S'échouer sur la rive, continuer son chemin jusqu'à un cours plus puissant ou bien finir dans les mains de quelque freluquet chaussé de bottes en plastique...